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dans nos histoires

un texte parlé

Clément Bastien, Anaïs Cretin

Note sur la traduction de À l’écoute des souvenirs de Sigmund Freud.

Ayant découvert et aimé le texte via sa traduction « de référence » [1], qui veut être « totalement fidèle à la langue freudienne », nous souhaitions d’abord en donner une version plus conciliante avec la langue d’accueil, et par là plus accessible pour des lecteurs non spécialistes. De cette intention première, proche de la vulgarisation, subsiste d’ailleurs dans la version finale un certain nombre de traces, comme le choix de rendre les termes les plus techniques (à commencer par celui d’« étiologie ») par des périphrases ou de privilégier l’intelligibilité immédiate du propos aux termes consacrés par la tradition psychanalytique française.

Mais ouvrir ainsi les phrases de Freud nous a rapidement conduits à redécouvrir leur fièvre argumentative, dont les partis pris de littéralité comme d’accessibilité ne peuvent donner qu’un écho très affaibli. Dès lors, nous nous sommes attachés à restituer au texte ses intonations, travaillant au plus près d’une oralité – disons, d’un texte parlé, adressé – que nous avons cru pouvoir asseoir sur le registre si particulier du propos, à la fois conférence et enquête, récit policier plutôt qu’exposé académique, où l’auditoire, constamment pris à partie, joue en fait le premier rôle [2].

Ces décisions ont achevé de déplacer le centre de gravité de la traduction vers la langue d’accueil, de façon à :

  • privilégier l’efficacité des phrases, ce qui nous a conduit à gommer autant que possible les désignations redondantes, à retenir souvent des mots moins précis mais plus fluides, à systématiser l’usage du « on » quand le texte alterne avec le « nous », à favoriser les tournures idiomatiques, etc. ;
  • s’autoriser une certaine modernité dans la syntaxe, en particulier pour les articulations logiques et les multiples apostrophes de Freud à son auditoire ;
  • s’appuyer sur le contexte argumentatif et lexical ou sur l’intonation pour proposer des ellipses, des atténuations ou des accentuations signifiantes.

En un sens, si la traduction « de référence » frôle la translitération, la nôtre est sourdement tentée par l’adaptation, car elle veut reproduire pour le lecteur d’ici et d’aujourd’hui le moment de cette conférence « malgré les décennies qui nous en séparent », en rendre possible une expérience au présent. C’est pourquoi d’ailleurs le texte est proposé dans sa version originale, sans la note de 1924 abondamment commentée où Freud justifie sa transition postérieure du souvenir au fantasme. C’est pourquoi aussi l’appareil de notes est réduit aux seuls éléments qui risquaient de « faire sortir » du texte (références pointues, sibyllines ou datées, termes équivoques, etc.), pour y retourner au plus vite. C’est pourquoi, enfin, ces considérations sur les choix de traduction ont été renvoyées hors du livre, contrairement à l’usage qui prévaut généralement en la matière.

notes

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[1Dans le volume consacré à La première théorie des névroses aux PUF, p. 121-154. Une autre traduction française est disponible dans le recueil Névrose, psychose et perversion, également aux PUF, p. 83-112, qui fait de larges emprunts à la traduction anglaise de James Strachey dans le troisième volume de sa Standard Edition – et de même avons-nous à notre tour repris à ces trois propositions certaines de leurs solutions et de leurs heureuses trouvailles.

[2Sur ces points, voir notre préface.

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